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Architecture et réticence, un banal sommé de dire.
La réticence à avoir avec l’errance, c’est une promenade discrète, une promenade distraite. Dans cette perspective, la réticence c’est aussi, d’une certaine manière, résister à être. C’est toujours se ménager la possibilité d’être absent. C’est la fugue offerte, la fugue construite. Être, donc, parmi et absent, à la fois. C’est un luxe, c’est le surcroît, c’est le secret. C’est l’amour non partageable. C’est la peur de clore, d’enclore. C’est la méfiance à l’égard de la certitude. Et c’est aussi un fantastique appétit, une fantastique envie d’être avec, de partager. C’est toujours en marge l’air de rien. C’est une terrible, une douloureuse attention pour les autres. C’est une dépendance non dénuée de culpabilité. C’est la responsabilité coupable de la cohabitation. C’est surtout la recherche obstinée, presque mélancolique, du moment unique, de la présence sans retenue, précisément. C’est l’abandon. Le présent sans questionnement, le faire, l’action, quelque chose comme un état de grâce. Curieusement, presque le contraire de la réticence.
Pour Shusterman, « On pourra peut être trouver de la réticence chez les plasticiens si l’on se tourne vers des œuvres qui provoquent un trouble de la perception, des œuvres qui bloquent tout effort de fixité ou de finitude perceptuelle. »
L’auteur fait alors référence, entre autre, aux travaux des minimalistes américains qui font ‘spécifiquement’ appel à l’expérience, à la perception. Puis il décrit une œuvre de l’artiste indien Anish Kapoor. Il s’agit de untitled 1995 « … où il est impossible », dit-il « de déterminer les dimensions spatiales et les limites de l’œuvre. ».
La sculpture « est un carré creusé dans le sol et recouvert d’une peinture noire qui absorbe totalement la lumière. Il est difficile de voir de loin s’il s’agit d’un trou ou d’un simple carré de peinture appliquée sur le sol ; de près on constate qu’il s’agit bien d’une cavité mais on ne peut parvenir à estimer ses dimensions. Invariablement, le visiteur moyen se penche pour tenter d’explorer le trou avec sa main, avant l’intervention du gardien déjà énervé, mais même ce geste ne parvient pas à l’aider dans sa tentative de fixer les contours. On a donc l’impression, dans un sens, que l’œuvre nous échappe, et on pourrait dire, dans ce cas, que l’œuvre repose sur une résistance ou une réticence : il y a une vérité des dimensions, mais elle n’est pas livrée, on ne la percevra pas. Mais on pourrait dire, tout simplement, que l’œuvre n’est rien d’autre que ce trouble visuel, qu’il n’y a rien de caché. »
Nous voilà revenu à la case départ. Et en ce qui concerne les œuvres des minimalistes, oeuvres qui se suffisent à elle-même – qui sont tout simplement – elles ne font pas usage de la réticence. Car une œuvre « qui ne fait pas allusion à autre chose » n’est pas une œuvre « réticente », c’est une œuvre qui trouve sa raison d’être, sa suffisance, dans sa surface même. Pour l’auteur « Toute œuvre plastique qui vise avant tout la transmission d’une expérience sensorielle ne saurait donc être réticente. L’expérience musicale – même celle du silence – demeure tout de même une expérience effective. »
Les bâtiments (les objets bâtis, les artefacts) se chargent seuls de leurs devenirs. Je veux dire par là, à l’instar de Marcel Duchamp, que le bâtiment est vu, vécu, interprété par d’autres, par les autres, par des personnes successives – pas seulement par les seuls utilisateurs de la commande – mais, au fil du temps, parfois par des générations…
Un projet doit être disponible pour autre chose. Il doit être capable d’être investi de différentes manières, manipulé, modifié, voire travesti. C’est l’histoire de toutes les villes. Les cathédrales n’ont pas à être blanches. Elles n’ont pas à garantir leur virginité. Elles n’ont pas à prétendre à l’innocence. Au contraire, c’est par les effets de la maintenance, de l’entretien, des ajouts et des adaptations successives que le construit prend tout son sens – dans notre imaginaire et dans les faits.
Le projet est un peu comme un territoire latent. Il n’y a pas de recettes, juste une attention particulière… Ce qui sous-tend la recherche est souvent de l’ordre d’une mémoire sensuelle, intuitive.
« Au fil des ans, j’ai compris qu’une œuvre musicale, …, devait avoir […] une pulsation fondamentale, un point de référence rythmique immuable. Il va de soi que l’utilisation d’une même mesure, qui se poursuivrait encore et encore, indéfiniment, serait à périr d’ennui. […] Mais vous pouvez prendre une pulsation de base et la diviser ou la multiplier – pas forcément sur un modèle de 2 – 4 – 8 – 16 – 32, mais souvent avec des cœfficients beaucoup moins évidents - ; le résultat de ces divisions ou de ces multiplications peut ainsi agir comme une pulsation subsidiaire d’un passage donné. » [4]
J’ai envie de dessiner sur le mur. Pour voir, pour jouer à faire apparaître ! Je n’ai pas envie de perdre cela. Mais c’est par la commande que j’ai envie de concrétiser cela, parce que, finalement, je suis architecte !
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Le triangle Bavière, un projet pour la cité
Le site de l’hôpital civil de Bavière, en friche depuis 20 ans, constitue un remarquable cas d’école urbain. Cette enclave désaffectée est en effet l’un des nombreux témoins de la transformation des villes européennes des dernières décennies.
Plan de situation. document de concours Himmos.
La parcelle de 4 hectares située en entrée de ville représente un attrait indéniable pour des opérations d’envergure. Au début des années ‘90, la société Tractebel acquiert le terrain et ambitionne de concrétiser rapidement un projet à haute spéculation commerciale. Les temps ont changé. On fait carême, les conditions économiques sont moins favorables et, au niveau de la politique urbaine, la ville de Liège développe une méfiance de bon aloi à l’égard de ce genre de grande infrastructure. Cet état de fait durera une quinzaine d’années.
En juin 2005 , « La Ville de Liège a entrepris la valorisation de cette zone de manière globale en suscitant des intérêts privés et publics pour promouvoir sur le site la réalisation d’un projet privilégiant le logement et la qualité d’une vie urbaine attractive : mixité des fonctions et
des populations, accueil d’activités, présence d’espaces verts, etc. »(1).
En février 2006, la phase 2 de l’appel à intérêt est déposée et le projet lauréat désigné (2). En bref, ce projet fait le pari de la densité, - une densité élevée associée à de grandes surfaces publiques et communautaires. L’image de référence est une vue de Liège en bord de Meuse où l’on voit une enfilade de buildings promotionnels des années 50 à 70 de qualités très diverses. Cette typologie, non dénuée d’intérêt, établit un contrepoint aux gabarits de la Ville du XIXe siécle et installe une échelle paysagère en rapport avec les collines avoisinantes, les terrils, le fleuve.
vue aérienne de Liège en bord de Meuse. A l'avant plan, la cité administrative. A droite, la tour Kennedy.
A l'arrière plan à gauche, la tour Simenon. Document de concours Himmos.
Cette image n’est pas innocente car le projet Bavière prend appui sur celle-ci pour développer sa proposition et articuler ces différentes échelles.
Aux limites de la parcelle, la morphologie des boulevards du 19ème siècle est confortée et achevée. Sur le quai, en surplomb de la Dérivation, des immeubles de 10 à 12 niveaux s’ouvrent sur la vallée de Bressoux. A la pointe Nord, une tour de 19 niveaux regarde la cité de Droixhe. Les ilots indépendants, au cœur de la parcelle, sont générés par cinq axes traversants perpendiculaires à la Dérivation, reliant ainsi virtuellement la Meuse à la Dérivation. Enfin, les espaces publics constituent un tapis poreux qui accueille diverses places et un vaste parc.
Plan masse, axes traversants. Document de concours Himmos.
A l’analyse, on remarquera que ce modèle, somme toute banal, donne lieu dans le cas de Bavière, à une panoplie d'interprétations qui font preuve d'intelligence et de qualité par rapport au contexte global. On n'est plus ici en effet dans une exploitation opportuniste d'un modèle de densification, mais dans une réponse qualitative : les tours solitaires à la fois donnent l'échelle de la vallée, répondent aux vis à vis de la rive droite de la dérivation, créent une échelle "respirante" dans l'espace interne de l'ilot Bavière et installent une clôture ponctuelle de l'espace . De même, la tour « Nord » participe à la supra-échelle installée dans la ville par quelques signes majeurs , tels la tour Kennedy, la tour de la cité administrative, la tour Simenon, la tour Match, la tour Brull (un peu trop basse , tout compte fait). Cette haute tour assure par son échelle et son orientation, un appel à dialogue avec la cité de droixhe. La tour d'angle de la rue des bonnes villes, quant à elle, construit l'effet de porte au passage du pont de Bressoux.
Maquette d'ensemble. Document de concours Himmos.
Les six cents logements prévus ambitionnent d’offrir le plus de variétés typologiques possibles, variétés qui seront développées au fur et à mesure des quatre phases de chantier envisagées. A cela s’ajoute un ensemble de fonctions publiques (crèche, salle de sport, etc.), de bureaux pour petites PME et des commerces de proximité, de l’horeca, ainsi qu’un plan de mobilité et des garages. Deux bâtiments emblématiques sont conservés et restaurés. Il s’agit, d’une part, de la pointe de Bavière comprenant l’entrée principale et la chapelle classée et, d’autre part, de l’institut de stomatologie construit par l’architecte C. Servais en 1936. L’un, témoin prégnant de l’univers médical, instaure « la machine à guérir » comme nouveau modèle urbain, l’autre, médical également, est plutôt le symbole architectural de la modernité héroïque. Leur typologie respective, peu apte à accueillir du logement, conduira vers des programmes spécifiques à solliciter.
Isométrie des blocs et affectations. Document de concours Himmos.
En décembre 2008 la société Himmos, faisant partie du groupe Heijmans Belgique, « se voit obligée de bloquer temporairement le projet ‘Bavière’ à Liège » (3). Les causes évoquées sont « le malaise économique général » et le fait que les banques modifient leurs propositions de crédit.
Mais serait-ce aussi simple ? Quels sont les paramètres indispensables qui pourraient contribuer à la réalisation d’un projet aussi déterminant pour la polis ? Le dispositif de base, on l’a vu, a été efficace. Les choses ont bloqué lors de la phase opérationnelle. Le marché de la construction à l’époque était florissant, les carnets de commande bien remplis et dès lors le coût de la construction en hausse. Cette conjoncture, associée à une mauvaise interprétation de la réalité du marché, - et tout particulièrement du marché wallon -, a peut être faussé les ratios envisagés et amené la société de promotion à mettre sous couveuse le projet en attendant des jours meilleurs. La campagne de promotion proprement dite a été mal orchestrée et beaucoup trop tardive. Les pays frontaliers, pourtant captivés, paraît-il, par l’aspect « sexy », attractif, de Liège n’ont pas été sollicités.
Du côté des pouvoirs publics, le fait de ne pas être propriétaire du fond représente un handicap certain mais, plus largement, il y a sans doute eu un manque d’anticipation et d’accompagnement, notamment en ce qui concerne les programmes et les espaces publics. Une opération de ce type, dont l’incidence va bien au-delà du cadre de l’intervention, nécessite un montage et donc une prospection qui se situe largement en amont de la phase concours. Du côté des autorités politiques, c’est déjà remarquable qu’il y ait eu un accord sur la volonté de ramener des habitants en centre ville, en décidant de créer des conditions de vie adéquates et généreuses. Prendre l’option, l’évoquer, est une chose, certes… Mais la mener à son terme demande des moyens financiers bien sûr, mais surtout des énergies, de l’obstination et des compétences. C’est tout autre chose, et l’on sait que l’enfer est pavé de bonnes intentions…
Pour le dire d’un trait, Il manque une vision d’ensemble, une perspective, un point de vue critique. Un service d’urbanisme devrait avant tout être doté d’une structure qui étudie la Ville : son histoire, son développement, les mécanismes qui engendrent sa transformation et les ambitions qui la fondent. Au niveau régional, on retrouve cette même myopie dans l’aménagement du territoire. La région wallonne préconise la concentration pour rationaliser les infrastructures et réduire les consommations énergétiques et, dans le même temps, promotionne la dispersion en continuant à valider des lotissements hors ville qui encerclent les implantations rurales et la ville elle-même.
Par le choix du projet Bavière, la ville de Liège opte pour une densité significative qui développe des mixités innovantes d’habitats, de programmes et d’espaces publics. Il s’agit d’une expérience porteuse de devenirs collectifs, d’un défi urbain où tout reste à écrire. Ecriture urbaine possible, cependant, comme en témoignent, par exemple, le nouveau quartier Céramique à Maastricht, le quartier de la ville olympique à Barcelone, la néo-urbanité installée par les projets de l’IBA à Berlin dans les années ’90, l’opération Kop van Zuid à Rotterdam ou encore la réappropriation des docks de l’ancien port d’Amsterdam.
Le choix liégeois était donc opportun. Malheureusement, il ne s’inscrivait pas dans une politique urbanistique d’ensemble. En effet, simultanément, la cité de Droixhe faisait l’objet d’un curetage qui confondait densification et ghetto, le boulevard Hector Denis développait un parcellaire pavillonnaire digne de Walibi qui occultera, à terme, une des plus belles vues sur la vallée mosane et ce à un jet de pierre de la cité du Tribouillet, une des plus nobles réalisations des années 30 dont la cohérence disparait dans l’indifférence. De même, Il y aurait aussi beaucoup à penser à propos des friches industrielles, de ce bassin métallurgique qui, pour une part essentielle, constitue la ville et aurait dû faire depuis vingt ans l’objet d’une réflexion prospective, - réflexion autre que celle de « l’assainissement » technique et amnésique. (4)
Plus singulier encore, la Ville cède à l’appel des sirènes et souscrit à l’effet Bilbao. La Gare TGV est un objet singulier, merveilleux : loin de moi l’idée de faire le procès de son concepteur ! On est allé chercher un condottiere, il a fait son boulot. Par contre, ce qui pose problème, encore, c’est ce qui est lié à cette intervention, comme si en lançant un caillou dans l’eau on n’imaginait pas qu’il faudrait tout reconsidérer. Pire, l’effet se poursuit suivant un axe précis. Un triptyque est proposé au flâneur urbain qui vient visiter la principauté. Au débouché de la gare qui, indéniablement, est identifiable comme telle, le visiteur ébaubi est « accompagné » au CIAC, nouveau fleuron de l’art contemporain, sur la « presqu’île » de la Boverie, à la suite de quoi, suivant la même linéarité, il est incité à expérimenter la nouvelle citoyenneté des grandes surfaces de la Médiacité. Un parcours fléché de la surmodernité mise en lumière si précocement par Marc Augé (5). Le globe trotter urbain endurci fait donc l’expérience de la ville, comme sur l’autoroute l’expérience du terroir, en un résumé vertigineux qui associe la mobilité exemplaire, la culture exemplaire et la consommation exemplaire, fait demi tour et puis s’en retourne.
Poursuivre plusieurs lièvres en même temps est indispensable pour être sûr de nourrir sa famille, mais il ne faut pas que la chasse soit prétexte à égarement : ce n’est pas en invoquant tous les lares que la maison se construit !
La qualité de vie est une notion labile et culturelle. En ce domaine, il n’y a pas de règles fixes, pas plus que de règles de composition de la cité. Toutes les valeurs évoluent, mais elles sont enracinées dans un passé signifiant. Ce passé, cette « identité » doit être à la fois forte et perméable. La ville est un palimpseste patiemment et, si possible, consciemment construit. Nous sommes inscrits dans plusieurs mouvements simultanés : le débat entre les progressistes et les passéistes est un leurre qui ne sert que des intérêts personnels immédiats. La polis réclame une autre posture, une posture qui accueille la complexité, le doute et l’imperfection comme des valeurs qui nourrissent le processus urbain (6).
Le projet Bavière, en fin de compte, a peut être été mal compris. Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple opération de promotion dont on devrait se méfier des nuisances, mais plutôt d’une expérience alliant le public et le privé dans un enjeu commun. Il implique plus que l’implantation de logements. Cet enjeu est le tissage d’un milieu de vie, le pari d’un jardinier qui investit une jachère.
Dessinons une boucle conclusive en imaginant un scénario rétroactif. Revenons en 1991 lors de la démolition du site et supposons que le promoteur, visité par une fée, ait décidé par mesure palliative (provisoire) de végétaliser le site. La ville de Liège, de son côté, inspirée par les intuitions de Gilles Clément (7) aurait prêté ses remarquables équipes du service des plantations pour semer de ci de là des chênes, des noisetiers, des radis, des baobabs, et ainsi de suite : nous aurions une forêt, une brousse, une jungle, à portée de mains et l’enjeu urbain serait tout autre. Ce modèle de parc inusité serait, peut être, visité et partout cité en exemple…
… L’histoire est décidément incontrôlable, elle s’appuie toujours sur des faits et, par ailleurs, nourrit sans cesse une fiction qui, dans le meilleur des cas, est collective.
Georges-Eric Lantair, architecte.
25 octobre 2010
article publié dans
ART & FACT
Numéro 29/2010
Dossier : L'architecture au XXe siècle à Liège.
(1)
Communiqué du département de l’urbanisme de la Ville de Liège
(2)
Promoteur : Himmos n.v (groupe Heijmans)
Conception urbanistique : Anorak, Driesen-Meersman-Thomaes, Poponcini & Lootens
Paysagiste : Michel Desvigne
Partenaire bancaire : Fortis banque s.a.
(3)
Communication officielle du groupe Himmos / Heijmans
Décembre 2008
(4)
En termes de stratégie de reconversions, on peut citer, entre autre :
- la filature Le Blan – Lafont à Lille, par les architectes Reichen & Robert, 1980
- l’académie de formation sur l’ancien site minier de la commune de Herne – Sodingen dans la région de la Ruhr en Allemagne par l’atelier Perraudin, 1992-1999.
- La reconversion du bassin minier du Zollverein (patrimoine mondial de l’Unesco) dans la région de la Ruhr près de Hessen.
- …..
(5)
Marc Augé,
NON-LIEUX,
Introduction à une anthropologie de la surmodernité,
Edt. Du Seuil, Paris, avril 1992
(6)
Michël Darin,
La comédie urbaine,
Librairie de l’architecture et de la ville,
Collection Archigraphy, Infolio éditions, Dijon-Quetigny, 2009.
« La formation urbaine permanente est prise dans plusieurs tourbillons. Constamment elle combine
Deux attitudes antagonistes : la tendance à faire perdurer l’héritage qui se trouve sur place et la volonté de l’améliorer par l’apport de nouveaux éléments venus d’ailleurs. Autre boucle : les allers et retours entre désirs urbanistiques et contraintes pratiques, qui donnent lieu à toutes sortes d’accommodements décriés initialement, mais qui peuvent être appréciés par la suite. Par ailleurs, la pluralité d’acteurs engagés dans l’œuvre urbanistique nécessite des coordinations variées qui ne sont pas toujours en phase avec la particularité d’un projet. Enfin, les citadins s’approprient les formes urbaines et architecturales par une multitude d’actions ponctuelles qui s’entrelacent avec les interventions des autorités. A tous moments, mœurs urbanistiques spécifiques et mœurs urbaines plus générales s’imbriquent donc de manière inattendue laissant leurs marques sur les formes de la ville. C’est en faisant attention à ces détails particuliers du paysage urbain qu’on peut comprendre la complexité et les contradictions de la comédie urbaine, et à partir de là commencer à apprécier la ville imparfaite. »
Page 479, opus cité.
(7)
Gilles Clément, ingénieur horticole et enseignant à l’école supérieure du paysage de Versailles, a développé, entre autre, la notion de jardin en mouvement. Cette notion peut, moyennant quelques accommodements, être transférée à la réflexion et à l’action urbaine.
« Le Jardin en Mouvement s’inspire de la friche : espace de vie laissé au libre développement des espèces
qui s’y installent. Dans ce genre d’espace les énergies en présence –croissances, luttes, déplacements, échanges- ne rencontrent pas les obstacles ordinairement dressés pour contraindre la nature à la gèomètrie, à la propreté ou à toute autre principe culturel privilégiant l’aspect. Elles rencontrent le jardinier qui tente de les infléchir pour les tourner à son meilleur usage sans en altérer la richesse. ‘Faire le plus possible avec, le moins possible contre’ résume la position du jardinier du Jardin en Mouvement.
Comme tous les espaces animés d’êtres vivants –plantes, animaux, humains- le Jardin en Mouvement se trouve soumis à l’évolution résultant de leur interaction dans le temps. Ici, la tâche du jardinier revient à interpréter ces interactions pour décider quel genre de « jardinage » il va entreprendre. Quelle balance entre l’ombre et la lumière, quel arbitrage entre les espèces en présence, l’objectif étant de :
- maintenir et accroître la diversité biologique, source d’étonnement, garantie du futur. Pour cela il faut
- maintenir et accroître la qualité biologique des substrats : eau, terre, air
- intervenir avec la plus grande économie de moyens, limitant les intrants, les dépenses d’eau, le passage des machines…Cet état d’esprit conduit le jardinier à observer plus et jardiner moins. A mieux connaître les espèces et leurs comportements pour mieux exploiter leurs capacités naturelles sans dépense excessive d’ « énergie
Contraire » et de temps. »
Gilles Clément, extrait du site officiel :
1 commentaire -
atelier d'architecture georges-éric lantair
rue Chéri, 30 - 4000 Liège, Belgique
gel00@skynet.beLa proposition d’architecture est toujours le résultat
d’un ensemble de paramètres dont les plus déterminants sont en général les moins visibles.
Le programme, les contingences techniques et financières sont très souvent utilisés pour imposer un point de vue conventionnel
La convention a à voir avec la culture d’une société
C’est un fait indispensable mais dont la valeur vive doit systématiquement être mise en critique sous peine de n’être plus qu’une convention, précisément
L’invention, l’innovation sont des stimulants
Mais bien souvent ils servent de prétexte à masquer l’immobilisme à garantir une convention de bon aloi
La singularité, l’exception ne sont pas à priori les garants d’une proposition plus adéquate ou pertinente
La tradition inhibe et stimule à la fois
C’est la tradition (c'est-à-dire ce qui est, en somme) qu’il faut investir, critiquer et nourrir
C’est dans le processus du projet, lui-même, que
Les choses se développent et prennent sens (quand tout va bien)
Le travail sur la définition matérielle du projet, c’est là que les choses se manifestent, sont rendues manifestes /
Il doit y avoir comme une espèce d’évidence qui émerge hors d’un banal volontairement recherché, convoqué, tenu en laisse /
Il s’agirait d’un émerveillement, d’une respiration fondé sur la ‘réticence’
Mais ça c’est encore une autre histoire
Une histoire qui reste à écrire
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